Porsche - Cap sur le nord-est

Cap sur le nord-est

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Aileron sorti ! Normalement, c’est en avion qu’on quitte la péninsule

De Tarifa au cap Nord, Philipp Aeberli et Jörg Petersen ont parcouru presque 6 500 kilomètres en Porsche Panamera Diesel. De l’été torride aux glaces éternelles : récit de six jours de route.

Départ en Espagne, Philipp aeberli prend le volant

Souvent, les noms des voitures sortent tout droit de l’imagination des commerciaux. Mais il arrive parfois qu’ils soient porteurs d’un sens, ou d’une histoire. La Panamera doit le sien à la Carrera Panamericana, course mythique et redoutée à travers le Mexique qui se disputait dans les années 1950. Une belle histoire. Et peut-être cette noble cinq-portes porte-t-elle bien son nom ? Mais plutôt que de traverser le Mexique, c’est à l’Europe que nous avons décidé de nous attaquer. Départ : Tarifa, sud de l’Espagne, le point le plus austral du continent. Arrivée prévue au cap Nord, équivalent septentrional de Tarifa, à quelque 4 000 km de là, à vol d’oiseau, s’entend. Par la route, en comptant les contournements d’embouteillages et quelques petits détours : 6 500 km. Du soleil éclatant au froid mordant. Autoroutes, cols, pistes enneigées… peut-être pas le même défi que pour l’aventure mexicaine, mais pas loin tout de même.

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Situation peu fréquente : le passage à la pompe ne s’impose qu’au bout de 1 000 km

Un plein, et c’est parti

Notre voyage commence aux portes de l’Afrique. Derrière la brume qui voile le détroit, les côtes africaines se distinguent au loin, fantomatiques. Le continent noir n’est qu’à 35 minutes de bateau. Mais le ferry, nous nous contenterons de le prendre en photo avant de mettre les voiles, direction le nord. Nous faisons le plein, et nous voilà partis. Sous nos latitudes, l’apparition d’une Porsche Panamera tient désormais du quotidien, mais dans le sud de l’Espagne, c’est encore une vraie bête curieuse. En ville, il n’est pas rare que les passants dégainent leur portable pour la photographier. Jusqu’à Malaga, les méandres de l’A7 épousent la côte avec souplesse. Notre progression est fluide, je suis encore frais et dispo, le soleil brille. Et le trafic est peu dense. En dehors de la route aussi, il semble se passer peu de choses : à part quelques oliviers ci et là, c’est le désert, à perte de vue des collines sèches, sableuses. Le nombre de stations-service est surprenant. Mais malgré des températures qui frôlent les 30 degrés, et une climatisation poussée en conséquence, notre moteur diesel puise très raisonnablement dans ses réserves.

Quand nous arrivons à Valence, après sept bonnes heures de route et près de 800 km, le réservoir est encore plein au tiers. Dans le quartier du port, je pars en quête de l’équipe « Alinghi ». En 2007, cet équipage suisse a disputé la prestigieuse Coupe de l’America au large de Valence. De ce grand moment sportif, il ne reste plus beaucoup de traces, mais le charme de l’ancien quartier portuaire est intact. Hélas, nous n’avons pas le temps de nous attarder, car nous avons prévu d’arriver à Barcelone ce même jour. Au bout de 1 000 km, juste avant de faire étape, la Panamera finit par avoir le ventre vide. Cela tombe bien, le méchant du roman que nous écoutons pour passer le temps s’est fait attraper. Le moment est idéal pour trouver un hôtel.

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Près de Trollhättan (Suède), une ancienne station-service transformée en studio de design

J’étudie la carte afin de trouver une route plus divertissante pour le lendemain. Il faudra partir un plus tôt : les petites routes, c’est plus long. Par l’autoroute, nous franchissons la frontière française au Perthus. Montpellier, puis Grenoble, où nous attend la récompense pour tous ces kilomètres d’autoroute. Les routes de montagne qui nous mènent à Albert­ville, avec leurs virages et leurs lacets, nous offrent un changement bienvenu. Le temps est avec nous et les routes sont quasi-désertes. À Modane, un panorama imposant me force à m’arrêter. Tout en haut de la montagne, le fort Victor- Emmanuel et ses colossales murailles trônent au-dessus de la vallée. Aujourd’hui, cet ensemble du XIXe siècle est une destination prisée des touristes. Nous reprenons notre ascension avant que les véhicules ne prennent d’assaut le site l’après-midi. La route devient plus sinueuse et continue à monter vers le col du Mont Cenis. Un jour, je reviendrai ici – c’est sûr. De jolis serpentins longent des lacs de montagne et des paysages alpins inhabités. Le rêve à l’état pur, parfaitement appréciable depuis une berline de deux tonnes. On dirait que la Panamera se fait toute petite, elle prend docilement les virages puis accélère puissamment à leur sortie.

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Même après 10 heures de conduite, le confort est parfait

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Sur la Reeperbahn, vers midi et demie. Un passage obligé

De l’autre côté du col, la frontière italienne ; Turin, Milan, Côme, la Suisse est en vue. Un autre plein, et par une autre route de col (le Saint-Gothard est fermé, pour changer), nous arrivons dans notre pays. Après 2 000 km en deux jours, ce genre de petits détails laisse plutôt indifférent. Mais une chose est sûre : nous sommes contents d’être arrivés ! Le lendemain, un petit programme de remise en forme attend la Panamera : lavage, aspirateur, check-up et changement de pneus au Centre Porsche. Pour aller jusqu’au cap Nord, notre collègue Petersen a besoin de pneus… qui tiennent la route. Le garage laisse une cannette d’energy drink dans la voiture – délicate attention, dont il risque d’avoir besoin.

Jörg Petersen prend le Relai

Le photographe Vesa Eskola et moi-même prenons donc les clés d’une Panamera tout juste sortie de la révision et équipée de pneus hiver. 4 000 km nous attendent. Pour parer à toute éventualité, nous embarquons aussi des chaînes. Première étape au programme : Zurich-Stockholm. Soit environ 1 800 km en une journée. Mais nous avons à peine fait 250 km que nos projets se voient radicalement contrariés par une autoroute fermée. Heureusement, notre système de navigation nous tire habilement de ce mauvais pas. Il va falloir rattraper le temps perdu. Premier arrêt à la pompe au bout de 756 km. Malgré ses 300 chevaux et ses 650 Nm, la Panamera continue à se montrer économe dans sa consommation. Nous avons beau rouler en moyenne à 130 km/h (autoroute allemande), elle se contente de 8,3 l aux 100 km.

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La porte de Holstein, emblème de la ville de Lübeck

À nous la Reeperbahn

850 km plus tard, nous arrivons à Hambourg, la belle ville sur l’Elbe. Un petit crochet par le port et la Reeperbahn, lieu de toutes les perditions. Dommage, pas le temps d’aller à la fête du célèbre poste de police de la Davidwache, dirigé pour la première fois par une femme. Nous devons continuer notre route. Prochain arrêt à Lübeck, capitale du massepain. Noël approche, profitons-en. Le musée logé dans la porte de Holstein, monument emblématique de Lübeck, est fermé depuis longtemps, mais nous avons encore le temps de prendre une photo tandis que pour la troisième fois, une patrouille de police passe devant notre Porsche crasseuse. Mieux vaut ne pas prendre racine ici : nous ne sommes plus qu’à deux pas du bac Puttgarden-Rødby. Le « Prins Richard » est presque vide. En haute saison, ce bateau de 17 440 chevaux transporte jusqu’à 274 voitures, 35 camions et 1 140 passagers.

L’estomac de Vesa a grande envie d’une goulache. « C’est une tradition sur le ferry », me fait comprendre mon compagnon, Finlandais de naissance aux multiples talents : photographe, écrivain à ses heures, gastronome – et marin, par-dessus le marché ? « Non, mais avant, nous faisions souvent ce parcours. Et il y avait toujours de la goulache au menu », se souvient-il. Après le repas, il nous reste un moment pour aller à la boutique duty free. La réglisse est tout en haut de la liste de courses de Vesa : cette sucrerie traditionnelle existe en d’innombrables variantes dans les pays scandinaves – y compris sous forme de chocolat. Revenus sur le plancher des vaches, nous poursuivons notre route vers le nord. Il s’en faut de peu que notre voyage ne se termine brutalement à Malmö : un conducteur d’Audi A1 trop pressé nous grille une priorité. Je freine sec et pile à quelques millimètres de lui. Ouf ! Hélas, ce ne sera pas le seul incident.

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Brève halte dans le port de Hambourg avant de poursuivre en direction du Danemark

Voyage au long cours… à une allure d'escargot

Nous poursuivons notre route en direction de Stockholm avec un taux d’adrénaline grimpé en flèche. La route est de plus en plus difficile : les kilomètres s’étirent comme du chewing-gum. Heureusement, les chaussées sont encore sèches et le trafic quasi-inexistant. La température maximale autorisée n’est que de 110 km/h sur les autoroutes. Un dépassement de 20 km/h coûte au moins 110 euros, et pour tout dépassement supérieur à 30 km/h, c’est la confiscation du véhicule par la police.

Cette vitesse d’escargot finit par nous assoupir. Et même la fameuse boisson taurine censée nous donner des ailes ne nous fait aucun effet. Au bout de 1 747 km, à une petite centaine de kilomètres de Stockholm, nous décidons de finir cette journée lassante dans un hôtel proche de Nyköping.

Vive le roi !

Le lendemain, nous nous remettons en selle rapidement. Encore 1 400 kilomètres au programme. Prochaine étape : Rovaniemi. Nous voulons faire un petit tour au palais royal de Stockholm. Il paraît que Charles XVI Gustave de Suède voue une véritable passion à la marque Porsche. Le système de péage urbain mis en place en 2007 ne concerne pas les véhicules étrangers. En fonction de l’heure, la taxe pour entrer ou sortir du centre ville varie de 1,10 à 2,20 euros. « Il faut bien que le roi vive de quelque chose. D’ailleurs, il est là, le drapeau est hissé », ajoute Vesa. Vite, quelques photos, et nous repartons en direction d’Arvidsjaur.

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Le palais royal de Stockholm n’est pas habité. Le roi Charles XVI Gustave ne l’utilise qu’à des fins de représentation. Stationnement interdit – on file !

Pendant l’hiver, la région est un Éden pour les constructeurs automobiles qui laissent s’ébattre et vrombir leurs créations sur les immenses lacs gelés pour tester ce qu’elles ont dans le ventre. Le trajet qui y mène nous met pour la première fois au contact des rudesses du climat scandinave. Tempêtes de neige, températures inférieures à zéro, les éléments nous prennent de court. La Panamera ne peut éviter quelques petits dérapages. Normal, quand on appuie trop sur l’accélérateur et que le dispositif automatique rétrograde de deux vitesses au lieu d’une seule. Mais avant que cet élégant déhanchement ne devienne incontrôlable, l’ESP intervient et rétablit la sécurité. Des colonnes de prototypes croisent notre chemin.

Plus nous approchons du nord, et plus les flocons se font denses. Paysage de conte de fée, infini, fraîchement enneigé, d’une beauté surréelle. Une heure plus tard, alors que nous entrons en Finlande, nous ne voyons plus rien de tout cela. Il pleut comme vache qui pisse, et dès 14 h, la nuit tombe. Une heure plus tard, l’obscurité est complète.

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Quelques tours dans l’enfer glacé de Nokian, sur l’espace de test d’Ivalo (Finlande). Exceptionnellement avec des crampons

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Audience privée au village du Père Noël de Rovaniemi. Pas question d’échanger notre traineau avec le sien !

Audience privée

Vers le soir, nous arrivons à Rovaniemi. Pour commencer, nous devons faire un passage au village du Père Noël. Notre défi : faire monter le vieil homme dans la Panamera ! Raté : la responsable de communication ne peut pas me proposer plus qu’une photo avec le vieux monsieur en costume rouge sur son siège, et pas avant demain matin, quand il sera de retour à son poste. Une audience privée, c’est mieux que rien. En contrepartie, et à titre tout à fait exceptionnel, nous pouvons photographier notre traineau à 100 000 francs au beau milieu du village. Vesa fait preuve d’un talent de négociateur insoupçonné. Un natif du pays, rien de tel pour servir d’accompagnateur.

Nous partons à la recherche d’un campement pour la nuit. Et réservons un mignon petit bungalow. Le temps épouvantable pèse sur l’humeur de Vesa : « Ce soir, on va au sauna », décide-t-il. « Tant pis s’ils n’ont que des saunas électriques ici. » Une hérésie pour un Finlandais, mais là aussi… c’est mieux que rien. Après une nuit trop courte, nous rendons visite au matin au Père Noël. Qui nous accueille par un « Grüezi » sonore. Il a dû travailler sa prononciation pendant la nuit. Il tient ma main comme s’il ne voulait plus jamais la lâcher. Il veut savoir les moindres détails : à quelle vitesse la Panamera peut-elle rouler, combien consomme-t-elle, quand serons-nous de retour chez nous ? Nous lui donnons sa dose de conseils d’achat, et dix minutes plus tard, nous prenons congé.

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Fin du périple : Jörg Petersen et Vesa Eskola au cap Nord, avec 3 950 km dans les roues

Reste l’étape finale, celle qui nous mènera au cap Nord, à 750 km de là. Mais les intempéries ne nous laissent quasiment pas avancer. Et l’estomac de Vesa recommence à gargouiller : voilà qu’il rêve d’une soupe au saumon. « La meilleure est celle de Saariselkä, un endroit touristique », affirme le connaisseur. Sur le mont Kaunispää, nous trouvons le restaurant ‹Huippu› – enveloppé d’une couche de glace qui fait que le bâtiment semble recouvert de sucre glace. Après une courte pause, nous reprenons notre route. Rêvant encore de sa soupe, Vesa met son siège en position allongée et s’octroie un petit somme. Sur la chaussée verglacée, je manœuvre la Panamera du mieux que je peux. Des crampons auraient été bienvenus. Les autochtones se font un plaisir de dépasser la Panamera – sensation tout à fait inédite.

Et soudain, comme surgis de nulle part : deux rênes sur la route. Voilà un test de l’élan grandeur nature, juste avec des animaux de gabarit inférieur, et je dois rassembler toute ma réactivité pour réussir ma manœuvre d’évitement. Vesa se réveille en sursaut. Et ne trouve rien d’autre à dire que : « Pourquoi ne t’es-tu pas arrêté, nous aurions pu faire quelques photos. » Ah, ces Finnois – rien ne peut leur faire perdre leur calme.

À 200 km de l’arrivée, alors que nous sommes déjà en territoire norvégien, un spectacle naturel grandiose nous attend. Une aurore boréale de toute beauté. En l’espace d’une seconde, le ciel change de couleur et se pare de rubans aux teintes splendides. En photographiant, Vesa a presque les doigts qui gèlent. Ce n’est pas qu’il fasse froid : les températures avoisinent le zéro. Mais le vent glacial complique sa tâche et celle de son matériel. Une fois de plus, nous modifions l’étape du jour et déplaçons notre point de chute 50 km plus au sud, après Skaidi, petit trou perdu entre Hammerfest et le cap Nord. Au bout d’un trajet de douze heures, nous n’avons parcouru que 600 km. Il ne nous reste plus qu’à déguster une petite bière bien fraîche à 20 francs, et hop, au lit : il faudra être en forme pour atteindre le cap Nord.

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Dans le grand nord, difficile de faire l’impasse sur les pneus à crampons

Arrivée semée d’embûches

Le lendemain, volontairement, nous prenons notre temps. Nous voulons savourer pleinement notre arrivée, de jour, à destination. Notre route nous fait contourner le Smørefjord. Personne en vue. Serions-nous les seuls habitants de cette planète ? Après deux bonnes heures, dernier croisement. Un panneau « Cap Nord 13 km » nous indique le chemin. Mais 100 mètres plus loin, la route est bloquée. Barrière abaissée, route fermée. Il ne manquait plus que ça ! Échouer si près du but !

Quelques photos encore, puis retour au bercail. Mais soudain, comme surgies du néant, deux Subaru Outback recouvertes d’autocollants de sponsors apparaissent. Des véhicules néerlandais du Noordkaapp Challenge en route pour la bonne cause. La colonne a une autorisation spéciale et veut s’attaquer aux derniers 13 km en compagnie d’un chasse-neige. Parmi les sponsors, nos collègues britanniques de TopGear. Nous sommes interviewés, filmés (incroyable, ces deux types en Panamera !) et nous offrons un petit tour en Panamera. Pas le temps de dire ouf, et un immense autocollant orne notre capot. C’est bon, on peut continuer ? Nous avons bien mérité notre accès au cap Nord.

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L’accès au cap Nord : de la glace et le vide. On touche au but !

Périlleuse ascension

Pour les derniers kilomètres, toutes nos compétences de pilotes sont mises à l’épreuve. La route est lisse comme un miroir, le vent souffle de la poudreuse par-dessus le col. Vingt minutes plus tard, nous voilà arrivés au but, enfin ! Quelques clichés et nous sommes prêts à redescendre. Mais nous allons devoir nous armer de patience. Avant que le convoi ne puisse entamer le trajet retour, deux bonnes heures s’écoulent encore. Telles sont les prescriptions de sécurité pour le personnel qui travaille au cap Nord. Du café et quelques donuts font passer l’attente. Vient enfin l’heure du départ : nous reprenons la route, direction la Suisse. 4 000 km nous attendent.

Texte Philipp Aeberli, Jörg Petersen
Photos Vesa Eskola, Philipp Aeberli, Tobias Sagmeister