Porsche - Aluminium, suralimentation et transmission intégrale

Aluminium, suralimentation et transmission intégrale

De la province autrichienne aux plus grands circuits de la planète : en 70 ans, l’inventivité et la passion de ses ingénieurs n’ont cessé d’amener Porsche vers des prouesses technologiques inégalées dans le domaine du sport automobile. La Suisse a largement contribué à cette saga unique.

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Coup de foudre :
La construction légère compense les performances encore modestes de la 356 (à g.). Rico Steinemann (à dr.), gloire des circuits en 1968, devenu directeur des courses de Porsche.

À 70 ans, on pourrait avoir le droit de souffler. Faire le bilan de sept décennies de réussite. Et apprécier, satisfait, le travail accompli : après tout, certains exploits méritent d’être tranquillement passés en revue. Mais cette attitude serait absolument contraire à la philosophie Porsche. Il y a 70 ans, en juin 1948, commençait dans la petite ville autrichienne de Gmünd une histoire exceptionnelle, celle d’un petit bureau d’étude qui deviendrait le plus grand constructeur de voitures de sport du monde. Les premiers exemplaires de la Porsche 356/2 Gmünd-Coupé reposaient sur la Porsche 356/1 Roadster, une voiture à moteur central, et étaient montés entièrement à la main dans une ancienne scierie. Des débuts modestes, sur le plancher brut d’un cabanon en bois. Mais à l’époque déjà, les mêmes facteurs étaient décisifs pour la réussite d’une entreprise : du design, de l’émotion, et surtout, beaucoup d’innovation technique.

Pourtant, à lui seul, cet esprit d’entreprise n’aurait jamais suffi à mettre sur la route du succès cette petite société qui jusque là vivotait grâce à de petites opérations d’entretien et de maintenance d’anciens engins militaires. Un architecte et homme d’affaires suisse, Rupprecht von Senger, et son bailleur de fonds Bernhard Blank ouvrirent les portes de la Suisse à la toute jeune marque et lui donnèrent les bases nécessaires pour convertir la compétence technique en réussite économique. Dès 1947, Senger s’était assuré les droits de préemption des cinq premiers exemplaires de la nouvelle sportive pour les importer en Suisse, et à peine la Porsche 356/1 Roadster avait-elle les roues montées qu’il l’emmena en Suisse et lança une campagne de marketing.

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Targa Florio 1964 :
Avec son cadre en acier et sa carrosserie légère en PRV, la 904 Carrera GTS (185 ch) remporte la victoire dans la course d’endurance sicilienne.

Le 7 juillet 1948, un premier article paraît dans la fameuse Revue Automobile. Des essais routiers sont organisés pour la presse avant le Grand Prix de Bremgarten. Après avoir fourni les fonds nécessaires au lancement de la fabrication, Blank, de son état hôtelier à Zurich, installe dans le hall de son hôtel le tout premier show-room Porsche, y présente la première Porsche de série du type 356/2 Gmünd-Coupé, et la fait participer à son premier salon : en 1949, au Salon de l’automobile de Genève, le bolide en aluminium est révélé au public international.

C’est auprès de Senger que Porsche acquiert entre autres l’aluminium destiné à la carrosserie, et par son entremise, de nombreuses entreprises suisses fabriquent des instruments et des phares. Fin 1949, 49 exemplaires ont déjà été livrés en Suisse. Dans un premier temps, Bernhard Blank s’occupe des importations. Au printemps 1949, il vend son premier véhicule, une 356/2, à Jolanda Tschudi, pilote de planeur zurichoise. La production de la Porsche ouverte a été confiée à la société de carrosserie des frères Beutler, à Thoune, pour les six premiers exemplaires, mais Ernst et Fritz Beutler cessent peu après leur activité. Avec le déménagement de Porsche à Stuttgart, le contrat d’importation devient caduc et l’augmentation de la production fait que Blank n’arrive plus à suivre la cadence. À partir de 1951, la société AMAG Automobil- und Motoren AG reprend l’importation des véhicules et écoule 78 exemplaires dès la première année. Le moteur central Volkswagen de la première Porsche 356/2 ne développe alors que 40 ch, mais il n’a que 716 kg à déplacer. La carrosserie des coupés, taillée dans des plaques d’aluminium léger, est moulée à la main sur des formes en bois. L’aluminium n’est pas spécialement bon marché, ce qui explique le prix astronomique de 14 500 francs qu’il faut alors débourser en Suisse pour les premiers coupés – et 2 000 francs de plus pour un cabriolet. Mais dans l’Europe d’après-guerre, il est plus facile de se procurer de l’aluminium que de l’acier, plus rare et donc réservé à des usages plus importants. La 356/2 fait de nécessité vertu, la malléabilité de l’aluminium compensant les performances encore un peu faibles du moteur, ce métal se travaillant facilement à la main.

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Le sport automobile, un moteur :
Avec la 911 R allégée et renforcée, Porsche établit un nouveau record du monde des 20 000 km en 1968. Depuis toujours, le sport automobile est pour Porsche un laboratoire de la fabrication en série. En Suisse aussi, dès l’origine, des courses de 356 ont été organisées.

La construction légère devient l’une des compétences clés de Porsche. Pour le sport automobile, surtout, les ingénieurs Porsche chassent le moindre gramme superflu. En 1968, quatre pilotes de course suisses établissent un record du monde des 20 000 km au volant d’une Porsche réduite à sa plus légère expression, sur le circuit de Monza. Rico Steinemann, Jo Siffert, Charles Vögele et Dieter Spörry roulent 96 heures d’affilée à une vitesse moyenne de 209 km/h, s’interrompant uniquement pour changer de conducteur et faire le plein. Dans le cas de la 911 R, l’enveloppe extérieure en acier de la carrosserie de série a été remplacée par des éléments en PRV (Polyester renforcé de fibres de verre), tandis que des charnières en aluminium et des vitres en plastique réduisent encore le poids de ce bolide équipé d’un moteur boxer six cylindres de 210 ch. Avec ses 850 kg, il en pèse 270 de moins que la version de série.

La Suisse a aussi joué un grand rôle lors de l’arrivée de la technologie turbo. En 1925, Alfred Büchli, un Suisse, avait été le premier à doter un moteur à combustion d’un turbocompresseur : le flux des gaz d’échappement entraîne une turbine qui pousse l’air aspiré par un compresseur dans les cylindres, augmentant ainsi le rendement. Le couple maximal n’est pas obtenu dans les hauts régimes, mais bien avant, et sur une plus large plage de régimes, ce qui améliore la capacité dynamique et accroît l’efficience. Chez Porsche, c’est en 1973 que l’on a pour la première fois utilisé un turbo, sur la 917/10 destinée à la CanAm, car même un 16 cylindres ne pouvait pas fournir une puissance compétitive : renforcé de deux turbos, son moteur 12 cylindres de 4,5 l développait jusqu’à 1 000 ch. Dans la fabrication de série, Porsche proposa pour la première fois la suralimentation en 1974, sur la 930 Turbo. La suralimentation a depuis lors trouvé sa place dans tous les moteurs Porsche, qu’ils soient boxer ou en V, à l’exception de la 911 GT3 et de sa version RS. Dans la palette des 911, les variantes Turbo et Turbo S sont toujours au sommet.

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Transaxle en course :
Avec la 924, Porsche gagne de nombreux nouveaux clients à partir de 1975. En 1978, la version turbo, d’une puissance supérieure (170 ch), fait ses débuts au Salon de Genève.

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Au sommet de la gamme :
Avec la 911 GT2 et son moteur boxer de 3,6 l et 462 ch, Porsche fait entrer dans la fabrication de série les freins carbone céramique en 2001. 963 exemplaires ont été fabriqués.

Mais l’innovation la plus importante, du point de vue suisse, dans la gamme des modèles Porsche, a sans doute été la transmission intégrale, intégrée à la production en série en 1988, c’est-à-dire il y a 30 ans. Dès 1900, Ferdinand Porsche avait construit la toute première voiture à quatre roues motrices de l’histoire : la Lohner-Porsche, ou « Toujours contente », entièrement électrique munie de quatre moteurs-roues. Il fallut attendre l’année 1984 et la 953 pour voir arriver une Porsche avec mode 4x4 commutable, qui remporta le Paris-Dakar. Deux ans plus tard suivit même une double victoire avec la 959, elle aussi dotée d’une transmission intégrale, dont la version de série fabriquée à 292 exemplaires est considérée comme la quintessence des voitures de sport des années 1980. Et deux autres années s’écoulèrent avant que l’on n’assiste au retour de la première Porsche de série à quatre roues motrices, la 911 Carrera 4. Grâce à un engrenage planétaire, le couple était réparti entre l’essieu avant et l’essieu arrière avec un rapport fixe de 31 à 69 %. En 1994, la transmission intégrale est devenue variable, un visco-coupleur faisant appel à l’essieu avant en fonction des besoins et de l’adhérence des pneus. L’étape suivante a été franchie par le Cayenne en 2002, le Porsche Traction Management intégrant non seulement l’adhérence, mais aussi la vitesse, la direction et l’accélération dans le calcul de la répartition de la propulsion par couplage hydraulique.

Aujourd’hui, Porsche propose la traction intégrale dans toutes ses gammes de modèles, à l’exception de la 718. En 2017, la part des Porsche à transmission intégrale parmi les voitures neuves vendues était de près de 80 %, ce qui n’a rien d’étonnant. Les attentes en hausse de la clientèle, la quête passionnée de la solution optimale et la concurrence acharnée dans le sport automobile poussent le secteur développement de Porsche à ne jamais se satisfaire des résultats obtenus. Depuis des décennies, des innovations telles que la construction légère, la suralimentation et la transmission intégrale pour améliorer la traction ont été développées, testées et intégrées à la fabrication de série, et sont désormais inscrites dans l’ADN Porsche. Ce sera encore plus vrai pour la prochaine génération de modèles. Même au bout de 70 ans, l’esprit pionnier n’a pas quitté la marque. Bien au contraire.

Texte Andreas Faust
Photos Porsche Archiv