Puissance Cultivée

Échappée tessinoise au volant de trois 911 Turbo historiques.

Dans les discussions automobiles, lorsqu’il est question de « la Turbo », tout le monde sait qu’il ne peut s’agir que d’une seule voiture : la Porsche Turbo. Seul le constructeur de Zuffenhausen a réussi à faire du nom d’un principe de construction de moteur le symbole d’une série de véhicules. Et quand dans les discussions, il est question de vacances en Suisse, on en vient tôt ou tard à évoquer le Tessin, le canton du soleil. Rien de plus logique, donc, que d’envisager un week-end prolongé là-bas – en 911 Turbo.

En 1973, alors que Porsche présentait la première voiture de sport Turbo proche des modèles de série au salon automobile de Francfort, un brin de développement était encore nécessaire. Mais à peine un an plus tard, la version de série était prête à être commercialisée. Pour ce qui est du canton du Tessin, son histoire est un peu plus ancienne. Locarno, comme le val Maggia, Lugano et Mendrisio, ont été rattachés en 1512 à la Suisse. Plus tard, sommés par Napoléon Bonaparte de choisir entre l’appartenance à la Lombardie ou à la « République helvétique », les Tessinois forgèrent ces paroles mémorables : « Liberi e Svizzeri ! »

Des slogans publicitaires évoquant la « puissance cultivée », la « sportivité exclusive », ou encore la trinité « Exclusive, explosive, expensive » ont rapidement fait de la Porsche Turbo un classique. Tous trois pourraient sans problème être repris par Suisse Tourisme pour s’appliquer au canton du Tessin. La puissance cultivée pour les deux rivières, la Maggia et la Verzasca. La sportivité exclusive pour toutes les activités physiques proposées par le canton, et « Exclusive, explosive, expensive » pour tous les hébergements aux meilleurs standards suisses, qui sont légion dans le canton (pour ne citer qu’un exemple : l’hôtel Giardino, à Ascona) et les grotti réputés pour leur qualité culinaire.

Plutôt une Turbo de la première génération affichant 260 ch (191 kW) et 3 litres de cylindrée ? Ou plutôt la 911 Turbo S basée sur la 991 de septième génération, avec ses 560 ch (412 kW) ? Aucune importance : toutes les variantes permettent de trouver un agréable grotto où passer de sympathiques moments, en dégustant une polenta mijotée pendant des heures ou des filets grillés à point. Au Tessin, il y en a pour tous les « gusto ».

Locarno, niché entre le lac Majeur et les Préalpes, n’a pas son pareil. Le caractère unique de la région qui entoure le lac tient sûrement à la beauté des paysages et au climat méditerranéen, particulièrement clément. Locarno est sans aucun doute la ville de Suisse la plus favorisée du point de vue climatique. Toute proche, la ville d’Ascona et ses 5 000 habitants se lovent le long de la baie ensoleillée du bassin suisse, sur la partie supérieure du lac Majeur. C’est avant tout cette situation privilégiée au bord du lac qui donne à Ascona son charme. En plus des nombreuses possibilités de sports nautiques, le golf 18 trous accueille les joueurs tout au long de l’année dans le parc du delta de la Maggia.

Dès que l’on arrive dans le canton, on peut rouler sur des routes qui semblent créées sur mesure pour la Turbo. En évitant le tunnel du Saint-Gothard, on peut choisir entre deux routes, chacune passant par un col : une rapide et bien équipée, l’autre étroite, pavée, qui est la route historique de Tremola.

À proximité de Locarno, deux sorties sont particulièrement recommandées aux amateurs de turbo : il s’agit des deux vallées de la Maggia et de la Verzasca. Le val Maggia (dont le nom vient de « Valle Maggiore », qui signifie grosso modo « grande vallée ») couvre près d’un cinquième de toute la surface du canton, avec ses 568 km2. Cette vallée présente une diversité impressionnante. Entre le village d’Avegno, qui est le plus bas (299 m d’altitude) et le plus élevé, Bosco Gurin (1 504 m), le dénivelé est de 1 205 mètres. Une route imposante faite d’innombrables lacets relie ces deux localités. L’accumulation de virages en épingles à cheveux, interrompue par de brèves lignes droites abruptes, semble taillée pour la 993. Le moteur 3,6 litres équipé de deux petits turbocompresseurs développe une poussée phénoménale dès 2 000 tr/min. À partir de 3 500 tr/min, toutes les forces de la nature s’unissent pour pousser la voiture par l’arrière. Avec une brutalité sauvage et absolument géniale, elle se précipite au sommet de la montagne. Les virages étroits en épingles sont avalés à vitesse constante, la voiture réagit sans délai aucun à la pression du pied sur l’accélérateur, s’accroche de ses quatre roues à l’asphalte et fonce à la rencontre du virage suivant. Pour les amateurs d’options plus tranquilles, il y a ici tout un réseau de chemins de randonnée de 800 km au total, et qui mènent à pas moins de 40 lacs de montagne.

Du glacier de Basodino à 2 800 m d’altitude jusqu’au lac Majeur, à pas moins de 193 m au dessus de la mer, la rivière Maggia ressemble à un serpent de 58 km. Au fil des siècles, elle a façonné le paysage, en formant de magnifiques plages de sable et des cascades. Autrefois, la rivière servait de voie de transport pour charrier le bois coupé. Aujourd’hui, elle est réservée aux vacanciers qui aiment s’y ressourcer. Les Gallo-Celtes appelaient la vallée de la Maggia la « vallée blanche », en référence à l’écume abondante de cette rivière de montagne qui n’est d’ailleurs pas sans danger.

De toutes les vallées tessinoises, le val Verzasca est celui qui recèle le plus d’aventures, et sans doute aussi le plus romantique. Au fil du temps, les eaux vertes de la Verzsaca ont poli la pierre de son lit, donnant naissance à de magnifiques œuvres d’art. Aussi esthétiques et aérodynamiques que la silhouette de la 911, les pierres qui semblent sculptées attirent tous les regards. Même James Bond a fait un jour un petit détour par le val Verzasca, dans GoldenEye, lorsque Pierce Brosnan saute du mur de retenue du barrage du Lago di Vogorno, haut de 220 mètres. Pour ceux qui n’auraient pas encore eu leur dose d’adrénaline dans la Turbo, il reste toujours la possibilité d’imiter 007 et de sauter dans l’abîme : le « vol plané » dure 7,5 secondes.

Texte Daniel Reinhard
Photos Manuel Hollenbach