De Genève à la conquête du monde - les débuts de Porsche en Suisse

De Genève à la conquête du monde - les débuts de Porsche en Suisse

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1964 :
Au Salon de l’automobile de Genève de 1964, l’« ancienne » et la « nouvelle » Porsche côte à côte. La petite sœur de la 356 porte encore le numéro 901 : c’est seulement au début de la vente, fin 1964, que ce modèle six cylindres recevra son appellation définitive et deviendra « la 911 ».

70 ans de Porsche en Suisse. Il n’y a que quelques initiés pour savoir que la fabrication des modèles Porsche 356 n’aurait probablement jamais pu démarrer sans un Suisse : Rupprecht von Senger. En 1948, c’est lui qui commanda les cinq premiers véhicules de toute l’histoire de la marque, allant jusqu’à poser une option pour cinquante autres. Mais surtout, il fit en sorte de rendre visible à Genève la toute jeune marque.

Voilà une question intéressante : où en serait Porsche aujourd’hui sans la Suisse, sans le Salon de l’automobile de Genève ? Pour bien saisir tout l’enjeu de cette interrogation, il faut revenir en arrière, en 1948 : il y a 70 ans, Porsche, qui était alors encore une toute jeune entreprise, présentait début juillet son tout premier modèle au Grand Prix de Suisse. Il s’agissait de la 356/1, une voiture de sport à moteur central, portant le numéro de châssis 356-001, premier modèle du type 356 construit par Ferry Porsche entre 1947 et 1948, homologué à Gmünd le 8 juin 1948, et immatriculé K – 45 286 le 15 juin.

À Berne, les journalistes furent séduits, et le magazine Motor und Sport salua la première 356, « croisement de voiture populaire et de voiture de course de catégorie sport ». Quant à la Automobil-Revue de Berne, elle écrivit le 7 juillet 1948 : « Le premier véhicule expérimental construit par Porsche est une voiture de sport ouverte à deux places, que nous avons pu conduire sur le circuit de Bremgarten avant le Grand Prix de Suisse, et qui nous a rapidement inspiré une totale confiance. Car c’est bien ainsi que l’on imagine la conduite d’une voiture moderne. »

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1949 :
Réunis pour célébrer la première présentation internationale de la 356 (de g. à dr.) : Heinrich Kunz (vendeur), Ferry Porsche, Bernhard Blank, Louise Piëch, Ernst Schoch (secrétaire privé de Bernhard Blank).

Première apparition internationale de Porsche en 1949 à Genève

Pourtant, le financement du projet était loin d’être assuré. Et c’est là qu’un nom suisse entre en scène : Rupprecht von Senger. Amateur de voiture et lui-même vendeur automobile, il avait acheté la 356/1 début septembre 1948 pour 7 000 francs. Porsche disposait ainsi des devises nécessaires pour pouvoir aborder la conception d’un coupé. Qui, grâce aux comptes rendus enthousiastes, furent commandés en un clin d’œil. Dès 1947, von Senger s’assura le droit d’acheter les cinq premières voitures de sport Porsche afin de les importer en Suisse – avec une option sur 50 véhicules supplémentaires. Il versa une avance et facilita la production en organisant l’achat des pièces détachées, des pneus et des tôles de métal léger nécessaires.

En 1948, von Senger mit aussi en contact Ferry Porsche avec l’hôtelier et marchand de voitures zurichois Bernhard Blank, qui transforma une partie de son hôtel en salle d’exposition. À la fin de cette même année, il présenta le premier coupé Porsche : la 356/2. Et au mois de mars de l’année suivante, il ouvrit à la marque les portes du Salon de l’automobile de Genève, où Porsche fit sa première apparition sur la scène internationale. La voiture ne tarda pas à devenir un secret d’initiés, circulant entre amateurs aisés de voitures de sport. À l’époque, un coupé coûtait 14 500 francs, et le cabriolet 16 500 francs. Jusqu’à fin 1949, 27 exemplaires de la voiture de sport faite main furent vendus en Europe.

Cette première apparition fut le début d’une longue relation, toujours aussi fructueuse aujourd’hui, entre le Salon de l’auto de Genève, la Suisse et Porsche, avec au cours des décennies suivantes un nombre considérable de présentations en avant-première (suisses, européennes et même mondiales). La liste de ces premières remplirait un livre entier, nous ne pouvons donc mentionner que les plus importantes d’entre elles.

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1969 :
Cette année, tous les regards sont tournés vers une boule de muscles, la 917, qui au cours des années suivantes exaucera tous les rêves de Ferdinand Piëch en remportant des championnats au général sur tous les circuits ainsi que le championnat du monde des voitures de sport.

De la 356 à la 911

En présentant en première nationale un prototype de Porsche 901 bleu ciel, le Salon de Genève de mars 1964 jeta un pont entre la 356 et la 911. Le six-cylindres de deux litres portait encore la dénomination 901, mais la société Peugeot avait déposé tous les numéros de nombres comportant un zéro au milieu, c’est pourquoi le nouveau modèle de fin 1964 fut commercialisé, dans sa version de série, sous l’appellation 911. L’année suivante, une autre 911 trônait sur le stand Porsche : ce modèle rouge était le 78e exemplaire de 82 prototypes de 911. Cette voiture, qui compte parmi les quelque douze 911 toujours existantes, est en cours de restauration, et devrait revenir cette année sans doute à Genève dans toute sa splendeur d’origine.

917 et 928 : nouveau chapitre

En 1969, Porsche présente, avec la 917, la voiture de course dernier cri conçue et imposée par Ferdinand Piëch. Les 25 exemplaires exigés par le règlement pour l’homologation conduisent l’entreprise au bord de la faillite. Et pourtant : avec son moteur douze cylindres de 4,5 ou 5 litres, la 917 devient vite la référence absolue sur les circuits. En 1971 au plus tard, après avoir remporté la première victoire générale aux 24 Heures du Mans, la 917 se transforme en voiture prodige grâce à laquelle Porsche empoche ses plus grands titres et voit sa notoriété et son prestige progresser à toute allure.

Il faudra attendre 1977 pour que l’entreprise souabe ouvre un tout nouveau chapitre de son histoire, avec la Porsche 928. Une 928 rouge, dotée d’un intérieur blanc, est présentée en première mondiale à Genève où du haut de son podium, elle impressionne le public, qui peut aussi prendre place à l’intérieur d’une 928 blanche avec intérieur rouge. De plus, un modèle en coupe du moteur 4,5 litres démontre qu’à Weissach aussi, on sait construire des moteurs V8 à refroidissement à eau. Aujourd’hui transfigurée en Gran Turismo, la 928 fut tout d’abord regardée avec méfiance, et il fallut du temps avant qu’elle ne soit acceptée comme une authentique Porsche.

Cinq ans plus tard, l’entreprise montre, avec la première 911 SC Cabriolet, que la fin prétendue de la 911 ne sera pas encore pour tout de suite. La première variante entièrement ouverte amène en 1982 une renaissance de l’icône et apporte à Porsche une nouvelle clientèle que la 911 Targa avait laissée sur sa faim. Et encore six ans plus tard, la première 911 Carrera 4 présentée à Genève révèle tout ce que l’entreprise a appris au cours du développement de la légendaire Porsche 959 et de sa transmission intégrale. À partir de 1988, le chiffre 4 bénéficie d’une place à part entière dans la nomenclature de la 911.

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1977 :
Difficile à imaginer aujourd’hui, et pourtant : la 928 était conçue pour succéder à la 911. Porsche pensait à l’époque que le moteur Boxer à refroidissement air avait atteint ses limites techniques.

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1999 :
La nouvelle 911 GT3 Supercup démontre, en mars de la même année, qu’il est possible de construire une pure voiture de course en se basant sur le nouveau modèle 996, désormais pourvu d’un moteur Boxer à refroidissement eau.

Modèles Turbo et Carrera GT

Mais Porsche n’oublie pas non plus de satisfaire régulièrement ses clients plutôt axés sur les performances en leur proposant des modèles turbo. L’une de ces premières mondiales a eu lieu en 1990 à Genève, avec la présentation de la 964 Turbo : avec ses 320 ch, délivrés par un moteur six cylindres de 3,3 l à 5 750 tr/min, cette 911 Turbo capable de sprinter à 270 km/h s’est imposée comme une reine de la route. De manière générale, le Salon de Genève a été choisi pour présenter des variantes particulièrement sportives – de même qu’à Paris, si étonnant cela puisse-t-il paraître, de nombreuses voitures de course ont été présentées. Ainsi, on a vu au bord du lac Léman la nouvelle 911 GT3 (en mars 1999), développée sur la base de la 996, et qui avec ses 360 ch et son poids à vide de seulement 1 350 kg, a servi de modèle d’homologation pour le sport automobile. Deux ans avant, la 996 avait été dévoilée pour la première fois au Salon de l’automobile de Francfort, et en tant que première 911 à refroidissement à eau, il lui fallut tout d’abord triompher de quelques préjugés. Mais le travail de persuasion produisit des effets rapides, et dès les douze premiers mois, 1 358 exemplaires de la GT3 furent vendus : le refroidissement à eau avait fait ses preuves pour les modèles GT aussi.

En mars 2003, Porsche se montre sous un profil encore plus sportif avec la présentation de la Carrera GT, super voiture de sport qui inaugure une nouvelle ère de l’histoire Porsche. Avec son moteur V10 de 5,8 l, elle développe une puissance de 612 ch et atteint la vitesse de 334 km/h, franchissant la barre des 200 km/h en 9,9 secondes. Pour la première fois, ce véhicule est doté d’un châssis de type monocoque et d’un support de bloc entièrement réalisés en matière plastique renforcée par des fibres de carbone. 1 282 exemplaires, véhicules de pré-série compris, verront le jour.

Les années suivantes aussi, Genève a été l’endroit privilégié pour présenter les top modèles de la marque au public mondial : en 2006, la 997 Turbo, qui affiche désormais 480 ch, connaît ici sa première sortie dans le grand monde, en même temps que la nouvelle 911 GT3 et ses 415 ch. En 2009, c’est au tour de la génération suivante de 911 GT3 d’être sous les feux de la rampe, désormais dotée de 3,8 l de cylindrée et de 435 ch de puissance. Le premier Cayenne Diesel, avec son moteur 3 litres six cylindres proposant 240 ch, offre de son côté un autre tempérament. En 2010, Porsche présente sur le stand Porsche plusieurs nouveautés d’un coup : la 911 Turbo S déploie encore plus de chevaux que les modèles précédents, et la 911 GT3 R a tout pour séduire les pilotes de course actifs. La deuxième génération du Cayenne, avec des motorisations allant de 300 à 400 ch, part à l’assaut des showrooms. Et comme si ça ne suffisait pas, Porsche présente aussi un prototype hautes performances, le 918 Spyder, dont la production démarre en 2013.

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2003 :
Aucune Porsche homologuée pour la route n’a été jusqu’à présent autant inspirée d’une voiture de course : la Carrera GT est dotée d’un moteur V10 de 612 ch et de nombreuses pièces en fibres de carbone.

2006 :
La 911 Turbo (997) développe pas moins de 480 ch. Aux côtés de la GT3, qui elle affiche 415 ch, elle assure un show 100 % sport au Salon de Genève de 2006.

« Semper Vivus » et Panamera S Hybrid

En 2011, avec la nouvelle Panamera S Hybrid, qui fait suite au Cayenne S Hybrid plébiscité par le public, Porsche souligne sa ferme intention de consacrer encore plus d’attention à la question des véhicules hybrides. Le concept car de sport automobile 918 RSR y contribue. Mais la marque effectue aussi un retour aux sources de l’entreprise, grâce à une reconstitution de la Porsche « Semper Vivus » de 1900 (voir illustration p. 99), présentée pour la première fois au Salon de Genève, aux côtés de la Panamera S Hybrid. La « Semper Vivus » impressionna autant les visiteurs que l’originale à l’époque lorsqu’elle fut présentée en 1901 au Salon de l’automobile de Paris. Le Cayman R, modèle particulièrement sportif de 330 ch, est présenté lui aussi en première à Genève en 2011.

Une autre première mondiale suit un an plus tard avec la présentation de la génération suivante de Boxster, et en première européenne, de la Panamera GTS et de la 911 Cabriolet de série 991. En 2013, Porsche arrive à Genève avec dans ses bagages la nouvelle 911 GT3 Cup de 460 ch pour les circuits ; parallèlement, la cinquième génération de 911 GT3, avec nouvelle carrosserie, nouveau châssis et direction active de l’essieu arrière est présentée au public mondial. Ses performances : 475 ch et une vitesse maximale de 315 km/h. Des prouesses encore éclipsées, pour de nombreux amateurs, par un temps au tour inférieur à 7:30 minutes sur la boucle Nord du Nürburgring.

Présentée à Genève : la 919 Hybrid

Le stand Porsche du salon 2014 offre au Macan S Diesel l’occasion de fêter sa première mondiale, et à la 911 Targa sa première européenne, mais la véritable star, cette année-là, est la nouvelle 919 Hybrid, par laquelle l’équipe de pilotes de Weissach revient dans la catégorie de tête du Championnat du monde d’endurance FIA – et affronte la concurrence d’Audi, autre fleuron de la maison. Aujourd’hui, nous savons que la 919 Hybrid a remporté, les trois années qui ont suivi, le championnat du monde des constructeurs de la FIA.

2016 :
En 2016, Porsche mise non seulement sur la 911 R, mais aussi en 2017 sur la Panamera Turbo S E-Hybrid, modèle le plus puissant de la gamme Panamera.

Cayman GT4 et Sport Turismo

L’année suivante, deux modèles particulièrement sportifs font converger les regards vers le stand du constructeur de Zuffenhausen : avec le Cayman GT4, c’est une version particulièrement sportive du coupé à moteur central de 3,8 l de cylindrée et 385 ch qui est présentée, accompagnée de la nouvelle 911 GT3 RS : avec ses 500 ch et sa vitesse maximale de 310 km/h, il en émane une impression de puissance inédite.

Pour le 50e anniversaire de la légendaire 911 R, au Salon de Genève de 2016, Porsche réjouit 991 acheteurs exactement en rendant hommage aux 24 exemplaires construits à l’époque. Le nom de cet hommage ? 911 R aussi, bien sûr. 500 ch, une boîte manuelle six rapports, et un poids réduit à 1 370 kg. Pas d’aileron, trop voyant. Les 991 exemplaires sont vendus en une journée. Quant aux amoureux du Boxster, ils peuvent pour la première fois observer le 718 Boxster avec moteur central turbo quatre cylindres au Salon de Genève. Le millésime 2017 a apporté, outre la deuxième génération de 911 GT3 de 500 ch, une deuxième série de Panamera baptisée Sport Turismo et proposée d’emblée en pas moins de cinq versions : Panamera 4, Panamera 4S, Panamera 4S Diesel, Panamera 4 E-Hybrid et Panamera Turbo. Et avec la Panamera Turbo S E-Hybrid, Porsche place pour la première fois au sommet de sa gamme un véhicule hybride rechargeable qui combine le moteur V8 4 litres de la Panamera Turbo avec un bloc électrique. Résultat : une puissance totale de 680 ch.

Porsche : un amour jamais démenti

L’amour des Suisses pour la maison Porsche, qui le leur rend bien, ne s’est jamais démenti. Marco Marinelli, ancien président du Porsche Club de Bâle, en a proposé une explication dans un entretien au quotidien Berner Zeitung : « Autrefois, la voiture était un produit destiné avant tout aux personnes intéressées par la technique. Et il y en avait beaucoup en Suisse. » Au début, les acheteurs étaient surtout issus des professions techniques : des architectes, des ingénieurs. Le côté puriste de cette voiture de sport leur plaisait : form follows function. Par rapport à d’autres, les voitures Porsche étaient plutôt sobres. Marinello : « Tout était axé sur le plaisir de conduire et la fonctionnalité. L’aileron avait une vraie raison d’être, ce n’était pas de la décoration. Et cette pureté, cette sobriété ont tout de suite séduit les Suisses. »

Texte Jürgen Lewandowski
Photos Porsche Archiv