Porsche - Reine de beauté

Reine de beauté

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Avec la Porsche 911 SC Targa, millésime 1981, dans le Valle Maggia

La 911 Targa fête ses 50 ans. Depuis 1965, la 911 au toit escamotable réunit le meilleur de deux univers. Et avec son arceau fixe, elle est devenue une reine de beauté.

Les cheveux au vent et le doux ronron du moteur Boxer six-cylindres qui vous arrive sans filtre dans les oreilles. Pour les amateurs de voitures de sport, rouler toit ouvert, c’est la grande liberté. Le summum du plaisir sur quatre roues. Mais il n’est pas de plaisir sans risque : depuis l’accident mortel de James Dean au volant de sa 550 Spyder, en 1955, le cabriolet traînait une réputation de dangerosité. Aux États-Unis, surtout, il était plus qu’urgent d’avoir une idée de génie pour que les clients continuent à apprécier les voitures ouvertes.

La solution, Porsche la présenta lors du salon de l’automobile de Francfort en septembre 1965, deux ans après avoir présenté la 911 Coupé : et ce fut la 911 Targa.

Son nom rend hommage aux victoires remportées par Porsche à la Targa Florio. Signe particulier de la nouvelle création de Zuffenhausen : son arceau fixe, destiné à protéger les occupants du véhicule en cas de souci tout en apportant un surcroît de rigidité à la carrosserie affaiblie par l’absence de toit – et qui d’emblée fit tourner toutes les têtes sur son passage. L’arceau était proposé en métal brillant ou en noir, très chic. Entre l’arceau et le cadre du pare-brise avant, on pouvait tendre une toile noire, et derrière, jusqu’en 1968, une capote classique de cabriolet. Ainsi équipée, la Targa offrait « la sensation de liberté d’une voiture de sport ouverte associée à la sécurité d’une carrosserie fermée », comme le promettait en 1966 une ravissante affiche publicitaire réalisée par Hanns Lohrer.

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La toute première : la Porsche 911 2.0 Targa de 1967

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Petite halte à Corippo

Vent de légèreté
50 ans plus tard, le message de Lohrer a conservé toute sa pertinence, comme la Targa des origines le prouve lors d’une petite virée dans le Val Verzasca, au Tessin et dans le Piémont avoisinant. La splendeur rouge du Musée Porsche est encore en parfait état et démarre au quart de tour. Son moteur deux litres six cylindres développe 130 ch (96 kW), une puissance qui paraît modeste aujourd’hui, mais qui à l’époque était déjà faramineuse. Avec sa boîte 4 rapports à courtes démultiplications et son poids à vide de 1000 kg seulement, le sprint de 0 à 100 km/h était chose réglée en 9 secondes. Aujourd’hui, ce n’est qu’un détail.

Notre beauté légendaire continue à se laisser porter par le trafic en toute légèreté, mais c’est à l’écart des flots de voitures qu’elle donne le meilleur d’elle-même, sur les routes de campagne aux larges courbes où elle peut filer à sa guise. L’icône de style demande à être dirigée avec fluidité. Sa direction non assistée offre un répondant inégalable. Tout à coup, on comprend pourquoi la 911 est devenue au fil des ans la voiture de sport par excellence. Et ce n’est pas tout : son ouverture extrême renforce encore son caractère de 911. Elle nous rappelle en permanence que son moteur Boxer à refroidissement air est installé à l’arrière – optiquement et acoustiquement. En 1969, la capote pliante céda la place à une vitre courbe fixe. L’arceau resta.

Montée en puissance
1973 ouvre une nouvelle ère pour la 911. Dix ans après la présentation du modèle original, la série G représente son premier remaniement en profondeur. Ses mensurations restent quasiment inchangées, mais pour répondre à la législation américaine, très stricte en matière de crash-test, les pare-chocs à soufflets prennent place sur la Coupé et la Targa. En 1981, nouvelle montée en puissance : la Targa devient Targa SC et passe à 204 ch (150 kW) avec trois litres de cylindrée. De 0 à 100 km/h, il ne lui faut plus désormais que sept petites secondes, et elle peut même pousser jusqu’à 235 km/h. Aujourd’hui encore, le moteur Boxer à refroidissement air de la SC n’a rien perdu de sa superbe. Il réagit au moindre appel du pied, accélère souverainement, même en montagne, et flatte l’oreille par le caractère bien trempé de son chant, qui rappelle encore la 911 des origines. Surtout quand le toit est replié dans le coffre et que la symphonie du pot d’échappement résonne majestueusement sur les parois de pierres.

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Entre Bignasco et Foroglio : petites routes pittoresques

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Hommage à la Targa des origines : la Targa de la série 991 retrouve son arceau

Sur les autres plans aussi, la parenté avec l’ancêtre ne peut être niée. Le tableau de bord, avec ses cinq grands instruments ronds, les dimensions compactes, les deux phares ronds à la verticale … pas de doute, une 911 pur jus. La direction continue de se passer de tout assistanat et transmet au conducteur tout ce qui se passe au niveau des roues avant. Fin et long, le levier de vitesses se laisse manipuler pour monter et rétrograder, garder le moteur dans le régime idéal, et savourer la conduite sans filtre. Et pourtant, la série G paraît plus civilisée. On le doit avant tout à la vitre arrière fixe, qui fait en sorte que l’air ne siffle plus autant aux oreilles des passagers. Avantage : on peut rouler sans toit toute l’année, y compris par temps froid.

Pour les amateurs d’options radicales, qui aiment les voitures entièrement ouvertes, Porsche a proposé à partir de 1982 une version cabriolet normale de la 911. Mais la Targa est restée. Les clients s’étaient attachés au concept de voiture « semiouverte », il n’était donc plus question d’abandonner cette beauté classique.

Le grand renouveau
Vers la fin des années 1980, il fut tout de même question d’abandonner toute la gamme 911. C’était sans compter l’immortalité des légendes : la 911 eut une deuxième chance. Et sut la saisir. En 1988, Porsche présenta la nouvelle génération, qui portait en interne le numéro 964. La forme fondamentale était globalement conservée, mais de nouveaux pare-chocs en matières plastiques, un dessous de caisse entièrement recouvert et un aileron à déploiement automatique amélioraient considérablement l’aérodynamisme. Ces progrès n’empêchèrent pas les puristes de pousser des cris d’orfraie, car avec la série 964, la modernité s’imposait : direction assistée, ABS, transmission intégrale, et même, sur demande, une boîte automatique. La propulsion 100 % arrière n’est disponible qu’à partir de l’année 1990. De grands bouleversements, donc, c’est sûr. Mais ils ont révélé tout le potentiel du concept 911. À l’arrière, un moteur Boxer à refroidissement air continuait à œuvrer, mais avec 3,6 litres de cylindrée et désormais pas moins de 250 ch (184 kW). De quoi donner à la « Carrera » des performances susceptibles de rivaliser même avec le légendaire turbo de la génération précédente.

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L’imposante église de la Madonna del Sangue, à Re, dans le val Vigezzo

Mais le meilleur a été conservé : le cockpit est indéniablement celui d’une 911. Idem pour le vrombissement du moteur et la solidité de la construction. Et bien entendu, la 964 a eu sa déclinaison Targa. Puissamment, le moteur bondit hors des plages tranquilles du compte-tours en faisant retentir sa mélodie dans la quiétude des vallées piémontaises. Le vent souffle doucement, la 964 Targa procure des sensations 100 % 911. Et néanmoins, l’entrée dans la modernité se fait sentir à chaque mètre parcouru. En toute souveraineté, le châssis absorbe toutes les irrégularités des petites routes du Piémont. La voiture a une meilleure assise sur la chaussée, et l’embrayage cinq rapports est nettement plus concis.

Notre 964 noire du Musée Porsche a été la dernière Targa de cette série à être sortie des chaînes de Zuffenhausen. Et aussi la dernière à arborer l’arceau emblématique – du moins provisoirement.

L’arceau fait son come-back
Le modèle suivant, qui porte le numéro 993, apparaît en 1996 dans une forme très largement retravaillée, et dont une déclinaison Targa est aussi proposée. Mais l’arceau et le toit noir escamotable ont disparu. À la place, comme chez les modèles successeurs 996 et 997, on trouve désormais un toit panoramique en verre à ouverture électrique. En 2014, Porsche a réintégré l’arceau et présenté la nouvelle Targa de la série 991. Et juste à temps pour les 50 ans, une version GTS va lui permettre de booster encore ses performances : avec 430 ch (316 kW) pour 3,8 litres de cylindrée, jamais aucune Targa n’a été aussi puissante. Visuellement, la petite nouvelle s’inscrit à la perfection dans sa prestigieuse lignée. Et son arceau rutilant l’annonce à qui veut l’entendre : je suis bien une Targa. Cheveux au vent, mélodie du moteur dans les oreilles : 50 ans ont passé, mais plus que jamais, la liberté n’a aucune limite !

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Un condensé de l’histoire de la Targa de 1967 à 2015

Texte Philipp Aeberli
Photos Dirk Michael Deckbar