Porsche - Tradition et perfection

Tradition et perfection

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Moteur Fuhrmann à arbres à cames actionnées par arbres verticaux de douci

Plus de 70 % de toutes les Porsche jamais construites roulent encore dans le monde. Sur les routes suisses, près de 30 000 voitures de sport homologuées en provenance de Zuffenhausen circulent aujourd’hui.

Ce n’est pas très étonnant, la Suisse étant connue pour sa forte concentration de Porsche par rapport à d’autres marchés européens. Porsche et la Suisse – ce lien-là est aussi ancien que les premières voitures de sport montées à Gmünd, en Autriche, en 1948. Au tout début de la marque Porsche, les amis suisses de la maison jouèrent un rôle décisif, qui aboutit au premier contrat d’importation le 5 avril 1951. Une voiture de sport à moteur central, numéro de châssis 356-001, qui obtint l’autorisation de circuler du gouvernement de Carinthie le 8 juin 1948, fut vendue le jour même comme pièce unique à l’entrepreneur suisse Rupprecht von Senger. Qui s’empressa de s’assurer les droits de prévente sur les cinq premières voitures de sport afin de les importer en Suisse. Par la suite, l’hôtelier et concessionnaire Bernhard Blank vendit les voitures de sport à des clients suisses, avant que l’AMAG, en mars 1951, ne commence à en assurer la distribution exclusive. Avec la création de la société Porsche Suisse SA, en 2008, la filiale du groupe succéda à l’AMAG et gère depuis officiellement l’intégralité de l’importation et de la commercialisation des véhicules Porsche, pièces détachées et accessoires compris.

La Suisse a toujours joué un rôle de précurseur en matière de modèles classiques. La Confédération est un paradis pour les oldtimers – avec très exactement 71 806 voitures de collection répertoriées en septembre 2013, détenues par environ 30 000 propriétaires. De nombreux collectionneurs possèdent deux à trois voitures. Pour bénéficier du statut de « vétéran », un véhicule doit avoir au moins 30 ans. Si l’on ne prend en compte que les Porsche immatriculées jusqu’en 1984, 3 075 voitures de sport appartenant à des collectionneurs suisses figurent parmi les oldtimers, avec des modèles allant de la 356 à la 911 en passant par la 944. Par rapport au marché actuel qui représente une part d’environ 1 %, la proportion de Porsche classiques de plus de 30 ans est quatre fois plus élevée. Or ces petits bijoux ont besoin d’être entretenus.

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Atelier de peinture de Schinznach-Bad où la couleur d’origine a été reproduite

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Jantes Fuchs conçues par Ferdinand Alexander Porsche

Porsche Classic prend en charge et remet en état ces véhicules historiques. En créant un réseau mondial de plus de 100 Classic Partners dans le monde, Porsche intègre l’entretien de ces véhicules plus ou moins anciens dans son concept de service afin d’en préserver la valeur. Porsche Classic assure la fourniture de plus de 52 000 pièces détachées d’origine, mais aussi la réparation, l’entretien, voire la restauration complète ou partielle. En Suisse, Porsche a donc lancé un concours « Classic Award » ouvert aux Centres Porsche de Zurich, Genève, du Tessin, et aux Centres Service Porsche de Schinznach-Bad et de Thalwil. Chacun a choisi un véhicule classique et dispose de six mois pour le restaurer partiellement. Un jury de spécialistes évaluera ensuite le résultat en prenant en compte différentes catégories, par exemple la carrosserie et la peinture ou la mécanique, et décernera le prix.

Le Centre Service de Schinznach-Bad a choisi le modèle le plus ancien : une 356 B Carrera 2000 GS Coupé rouge rubis de 1962. « Sur cette voiture, les vis qui ne sont pas d’origine se comptent sur les doigts de la main », dit Luciano Zanandreis, responsable Service du Centre de Schinznach-Bad, pour décrire l’état de cette 356 2000 GS Carrera 2. Une situation rarissime pour ce qui est l’un des 310 exemplaires de 356 Carrera 2, cabriolets et coupés confondus. Présentée lors du Salon de Francfort de 1961, la 356 B Carrera 2 à moteur 2 litres (96 kW) et freins à disques Porsche a été mise sur le marché en 1962. Pour passer de zéro à 100 km/h, il ne lui fallait même pas huit secondes, et sa vitesse maximale était de l’ordre de 200 km/h. En son temps, le prix de cette voiture avoisinait les 26 700 DM.

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Intérieur laqué de la 911 S 2.4 Coupé

Avec seulement 48 767 km au compteur, ce véhicule a le même moteur et le même embrayage qu’à sa sortie d’usine. Un problème technique a probablement contraint cette 356 à l’immobilité dans les années 1970. « Nous ne pouvons plus reconstituer avec certitude les raisons qui ont fait que la voiture n’a plus roulé. Peut-être un embrayage défectueux qui n’a pas pu être réparé par manque de pièce », explique René Dörig, directeur d’atelier du Centre Service Porsche, qui à ce titre participe au projet de restauration. Aujourd’hui, pour ce qui est des pièces détachées, la situation est plus favorable : « Chaque année, Porsche réintègre à son programme environ 200 pièces destinées aux véhicules anciens », confirme Luciano Zanandreis. Ce qui n’a pas empêché quelques pénuries, car quelques pièces ont dû être cherchées ailleurs. C’est pourquoi la restauration a duré un peu plus longtemps que prévu. Tout le nécessaire a été récupéré, à un détail près : la pompe qui injecte l’essence jusqu’au chauffage autonome manque encore à l’appel. La Carrera 356 Carrera 2 est dotée du célèbre moteur Fuhrmann, ainsi nommé d’après son concepteur, qui avait doté son système d’arbres à cames actionnés par des arbres verticaux de douci. Graissage à carter sec et double allumage témoignent de la technologie 100 % courses utilisée. Il ne restait plus de place pour un chauffage ordinaire. « Il n’y a que quelques spécialistes sur la planète capables de s’occuper d’un moteur pareil. Nous aussi, nous devons reconnaître nos limites. C’est pourquoi nous l’avons expédié en Allemagne chez un spécialiste Carrera », explique René Dörig. Toutes les autres opérations ont été effectuées sur place par l’équipe.

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Après remise en état de la carrosserie et laquage

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Moteur Boxer six cylindres de 140 kW (190 ch) après la révision

Dix ans après l’homologation de cette 356 B Carrera, on ne jurait plus que par la 911, présentée pour la première fois au Salon de Francfort de 1963. À l’époque, elle portait encore le nom de 901, et ne fut rebaptisée 911 qu’en 1964 au moment de sa commercialisation. Dès 2013, le Centre Porsche de Genève avait décidé d’exercer ses talents de restauration sur une 911 2.4 S – dénichée dans une grange. Le véhicule, initialement livré en Suisse alémanique en 1972, appartenait aux mêmes propriétaires depuis 20 ans. Cette 911 n’était utilisée que pour des rencontres Porsche Club et pour participer à des rallyes historiques, comme en témoigne son faible kilométrage de 43 630 km. « Pour participer au Classic Award, nous voulions absolument une 911, l’incarnation du mythe Porsche. Il a fallu près de trois mois pour que nous nous mettions d’accord sur le véhicule, et que nous achetions finalement cette 911 S 2.4 Coupé. Du point de vue technique, ce modèle est le plus puissant, après la 2.7 RS, de la première génération de 911. Et sur le plan technique, la trappe à huile très rare nous plaisait », raconte Alexandre Mottet, directeur du Centre Porsche de Genève pour justifier ce choix.

Afin de faciliter le remplissage de l’huile, les ingénieurs Porsche avaient placé un goulot extérieur sur le modèle de 1972. Le modèle 2,4 litres avait donc été doté d’une sorte de deuxième trappe à l’arrière, côté droit, devant la roue arrière. Malheureusement, les conducteurs et les pompistes versèrent par erreur de l’essence dans ce qu’ils pensaient être le réservoir de carburant, d’où des dégâts en série sur les moteurs. Dès 1973, la trappe à huile disparaissait et regagnait sa place habituelle, dans l’espace moteur. Ce modèle reste néanmoins une rareté, en tout cas par rapport à la production globale de 911 classiques entre 1964 et 1973. La 911 S Coupé est l’une des oldtimers les plus convoitées parmi les fans de Porsche. Elle est une sorte de « summum de l’idée 911 », comme l’a écrit un jour le journal Auto Bild : « Compacte et rapide, ne pesant que 1 075 kg pour la 911 S 2.4. Une voiture développée par des ingénieurs pour des inconditionnels bien informés portant gants de pilotes en filet et amateurs d’ascèse. » D’août 1971 à août 1973, 3 160 exemplaires de Porsche 911 S 2.4 sortirent de l’usine. En 1966, la 911 S fut la première 911 à recevoir des jantes Fuchs en alliage léger forgé, utilisées aussi sur la 2.4 S. Avec ses 140 kW, ce véhicule développe 44 kW de plus que la 911 basique, et atteint les 230 km/h. Après quatre mois de recherche dans toute l’Europe, l’équipe a mis la main sur cette 911 S 2.4 jaune pâle en parfait état de fonctionnement, mais sur laquelle les courses et le temps ont laissé des traces. Cette 911 de légende fait aujourd’hui l’objet d’une restauration partielle au Centre Porsche de Genève.

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État des lieux de la 911 Targa de 1977

À l’origine, le Centre Porsche de Zurich-Schlieren voulait participer au Classic Award en restaurant le véhicule d’un client, une 911 SC 3.0 de 1979. Mais comme la voiture ne nécessitait aucune intervention mécanique, l’équipe du projet en a choisi une autre pour montrer ses talents. La 911 Targa de 1977 à restaurer est un véhicule repris que possède le Centre Porsche depuis août 2014, et destiné à être ensuite revendu. « Avec les travaux effectués, et surtout à travers le suivi du projet, nous voulons apporter la preuve de notre compétence sur les véhicules historiques. Le Classic Award est bien sûr une excellente occasion de montrer aussi à nos clients ce dont nous sommes capables », explique Alexander Mezger, responsable marketing du Centre Porsche de Zurich.

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Intérieur avec carrosserie marquée avant la restauration

En mai 2014, Porsche présentait les modèles Targa actuels de la série 911, inspirés des premières Targa de 1965, et qui combinent au mieux la tradition et l’innovation. La Porsche 911 Targa fêtant cette année ses 50 ans d’existence, le choix de ce bijou pour le Classic Award est d’autant plus justifié. Lancée fin 1965, la 911 Targa était considérée à l’époque comme la décapotable la plus sûre au monde grâce à son arceau de sécurité intégré. En Suisse, ce fut un grand succès, mais on la conduisait rarement ouverte. Grâce à son design exceptionnel, la génération actuelle a renoué avec le succès des années 1960. Depuis son lancement, une 911 vendue sur cinq est une Targa ou une Targa 4S. En trois mois à peine, l’équipe du projet a réalisé les travaux de carrosserie, de peinture et de sellerie ainsi que la révision du moteur. « Nous n’avions que peu de temps, et donc une certaine pression, mais cela n’a pas posé problème car nos collaborateurs sont très motivés pour travailler sur les classiques Porsche », explique Alexander Mezger. Du mécanicien au directeur, tous vivent pour le mythe et la passion Porsche et sont heureux à l’idée que des Porsche historiques bien conservées circulent sur les routes suisses. Certains collaborateurs possèdent eux-mêmes un véhicule de collection et participent à des rallyes historiques. Quand vient l’automne, Adriano Rossi, le directeur, expose par exemple sa 911 Cabriolet rouge, un modèle G de 1984, dans l’espace de vente du Centre Porsche – il ne la conduit pas : trop précieuse ! Les fans de Porsche Classic de Zurich ont de quoi se réjouir, car dans le courant de l’année, le Centre Porsche de Zurich organise en outre un « Classic Day » qui rassemble les amateurs de véhicules historiques, et lors duquel les plus beaux modèles sont récompensés.

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Démontage au Centre Service Porsche de Thalwil

Le deuxième véhicule restauré le plus récent, une Porsche 911 SC 3.0 datant de 1981, est celle qui a le plus de kilomètres au compteur parmi tous les concurrents : 253 444 km ! Cette 911 vert mousse à intérieur beige appartient à des particuliers depuis 15 bonnes années, et n’a probablement pas bougé depuis dix ans. Pour le Centre Service Porsche de Thalwil, les restaurations, ou restaurations partielles, ont une longue tradition : la société existe depuis plus de 50 ans, et le propriétaire précédent avait déjà un faible marqué pour les voitures de collection. Aujourd’hui encore, quelques modèles d’exception sont entre les mains de sa famille. Ici, les compétences en restauration sont une tradition bien établie. En règle générale, deux à trois restaurations sont effectuées chaque année : il peut s’agir de restaurations complètes, mais aussi de simples contrôles. Une révision du moteur peut à elle seule nécessiter 50 à 150 heures de travail, en fonction des pièces détachées disponibles et de la structure du moteur. L’amour du détail est fondamental. « L’objectif premier est de s’approcher le plus possible du véhicule original. C’est notre mission principale », explique Walter Hammer, directeur du Centre Service Porsche de Thalwil. « Bien entendu, c’est aussi une question de budget. Il est assez rare que les clients demandent une restauration complète, ils préfèrent investir chaque année une certaine somme pour leur oldtimer. Ce sont de vrais fans, des passionnés, qui vivent la philosophie Porsche. » Qu’il s’agisse de la restructuration totale d’une 356 ou de la restauration d’un tracteur Porsche, le plus important est de disposer des compétences techniques, mais aussi de l’indispensable expertise des détails. Sous la houlette de Michel Krenger, une équipe jeune mais très expérimentée cherche et trouve des solutions pour les tâches qui lui sont confiées. En fonction des besoins, l’équipe Classic a aussi à sa disposition deux spécialistes liés à la marque Porsche depuis plus de 50 ans. L’un des facteurs ayant incité Walter Hammer à participer au Classic Award est que chacun peut définir où se situe sa compétence majeure : « C’est très motivant de pouvoir se mesurer aux meilleurs, par exemple au Centre Service Porsche de Schinznach-Bad, leader depuis des décennies. » Sous la direction technique de Michel Krenger, la mécanique et la carrosserie sont soumises à un examen minutieux. Certaines parties de la carrosserie endommagées par la rouille doivent être réparées, le moteur et l’embrayage sont démontés et révisés. Et l’intérieur aussi est rénové de fond en combles.

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Révision du moteur au Centro Porsche Ticino

Le Centro Porsche Ticino a aussi relevé le défi du Classic Award en soumettant ses compétences et son savoir-faire à l’évaluation du jury. Son défi : redonner son caractère original à une Porsche 911 SC Coupé datant de 1982. Mauro Irato, Adriano Ponti et Alessandro Zorzi vont restaurer cette 911 gris métallisé pour le compte d’un client. Pour l’équipe, c’est un bel exemple des travaux que peut nécessiter un véhicule de collection. Examinée d’un peu plus près, cette 911 qui affiche 118 738 km au compteur se trouve dans un état plutôt lamentable. L’état des lieux fait état de pertes d’huile qui imposent une révision complète du moteur. L’équipe en charge du projet (deux mécaniciens eux-mêmes fans d’oldtimers et un spécialiste des voitures anciennes expérimenté) aura besoin d’environ 65 heures de travail pour cette restauration partielle. Le plus grand challenge pour l’équipe consistera à retrouver l’état originel – remporter ou non le concours sera secondaire.

Qui remportera finalement le prix ? Vous pourrez lire dans notre prochain numéro quels défis les participants ont dû relever, et lesquels auront su convaincre le jury de leurs compétences.

Texte Sophie Tanner
Photos Daniel Reinhard & Porsche-Archiv